Article Sciences Ouest
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Grâce à la numérisation en 3D des gravures du site mégalithique de Gavrinis, les chercheurs espèrent découvrir son origine, encore mystérieuse.
Le cairn de Gavrinis, dans le Morbihan, a fait l’objet d’un travail de numérisation d’une précision et d’une ampleur inédites en France. Grâce aux technologies laser associées à la photomodélisation, ce dolmen recouvert de pierres du début du 4e millénaire avant notre ère a pu être reconstitué en trois dimensions par Serge Cassen, du Laboratoire de recherches archéologiques de Nantes(1), et Laurent Lescop, de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes (Ensa).
Leur programme, mené de 2011 à septembre 2013, repose sur l’utilisation du traitement par nuage de points des données photonumériques. Cette technique permet de modéliser fidèlement les vingt-neuf orthostates du monument funéraire, ces blocs de pierre dressés et gravés sous un plafond de dix tables de pierre. « Le cairn est connu depuis longtemps mais n’a été découvert du point de vue archéologique qu’aux alentours des années 1830. La réputation du monument s’est fondée sur la profusion de ses gravures et la beauté de ses agencements géométriques », indique Serge Cassen, courbé à l’intérieur de la crypte, d’une hauteur d’environ 1,50 m et de 14 m de long.
- Le travail de l’archéologue Serge Cassen (photo), du Laboratoire de recherches archéologiques de Nantes, et de Laurent Lescop, de l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes, dans le cairn de Gavrinis, est inédit. Les protocoles pourront être utilisés pour d’autres monuments.
Profusion de gravures
Le programme de recherche fait suite à celui qu’il a réalisé à Locmariaquer sur le dolmen de la Table-des- Marchands à partir de 1986, puis sur le Grand Menhir et ses abords à partir de 1989. « Les deux monuments possèdent une dalle de couverture provenant d’une même stèle érigée à Locmariaquer. Il nous a donc semblé intéressant de prolonger le programme de la Table-des-Marchands vers Gavrinis, pour enregistrer numériquement ses gravures et les interpréter à la lumière des grilles de lecture mises en place ces dix dernières années», poursuit l’archéologue.
D’abord à l’air libre
Ce travail désormais achevé pourrait permettre de répondre à certaines interrogations sur l’origine de Gavrinis. Car si le mégalithe date des années 3700-3800 avant J.-C., certains de ses éléments sont plus anciens, et remontent au millénaire antérieur. « La dalle de couverture et certains de ses orthostates sont des stèles qui étaient à l’air libre avant d’être intégrées au monument », dit Serge Cassen. L’emplacement de la dalle de couverture a ainsi été retrouvé à la Table-des- Marchands, dont les gravures “raccordent” avec celles de Gavrinis. Quel est le sens de ces gravures ? Ontelles été pensées pour faciliter l’architecture du site ? Ou ont-elles un lien avec d’autres stèles, comme celle de l’îlot d’Er Lannic, situé à quelques centaines de mètres de Gavrinis ? La reconstitution en 3D du cairn sera-telle un jour accessible au public ? Le département du Morbihan le souhaite. Il a récemment acquis le matériel de visionnage et un projet de centre d’interprétation a été lancé. Il pourrait voir le jour sur le port de Larmor-Baden en 2017.
La reconstitution des gravures en public
Chaque mercredi de l’été, l’archéologue Marie Vourc’h, du Laboratoire de recherches archéologiques de Nantes, et Cyrille Chaigneau, médiateur scientifique du musée de Carnac, installent leurs outils aux abords du cairn de Gavrinis, en présence des visiteurs. Leur objectif ? « Imaginer des gestes et des outils de taille, reconstituer des chaînes opératoires, tester des hypothèses de travail et comparer notre résultat expérimental à la réalité archéologique », explique Cyrille Chaigneau. Tous deux espèrent apporter un “éclairage technique” à la recherche sur l’origine des orthostates. Quel percuteur utilisaient les graveurs ? Comment préparaient-ils la surface de granit pour que la dalle ne s’effrite pas ? Combien de temps mettaient-ils à sculpter une stèle ? « Nous avons, par exemple, découvert que la plupart des dalles de Gavrinis avaient été préparées par piquetage pour permettre la réalisation des gravures sur une surface saine », souligne Marie Vourc’h.
Les gravures de Gavrinis sont étudiées par les archéologues depuis 1835. On y retrouve des symboles habituels de l’art mégalithique, comme des arcs et des pointes de hache, mais on ignore encore le sens de ce chef-d’œuvre de l’art universel.
© Raphaël Baldos
RAPHAËL BALDOS
(1) Lara/UMR CNRS 6566.