Le relevé en approche Low-Tech, l’évaluation de l’XTION de Asus.
Le relevé laser de Gavrinis a laissé quelques zones non documentées. L’encombrement des appareils, la configuration particulière du cairn, la nature des surfaces et la connaissance que nous pouvions avoir des lieux au moment du relevé ont été autant de facteurs expliquant les quelques zones lacunaires du nuage de points.
Connaissant le coût d’un enregistrement laser par un prestataire extérieur et motivé par la recherche de solutions souples et peu onéreuses, nous avons exploré plusieurs solutions alternatives. L’une d’elle, la photogrammétrie, abondamment décrite au long du rapport, a montré un potentiel important et a souvent largement couvert nos besoins. Parallèlement, des tests ont été effectués avec des outils encore jeunes, associant à la fois la photogrammétrie et la mesure de distance.
Les capteurs de type Kinect et Xtion sont de ceux-là. Conçus pour le jeu, ce sont des capteurs légers, économiques (environ 160€) et assez faciles à prendre en main. Equipés de deux caméras, ils « voient » en relief, une caméra infra-rouge vient compléter le dispositif apportant une mesure assez précise de la distance.
Très vite détournés de leurs applications ludiques, ces capteurs ont intégré les mondes de l’art et de la recherche, suscitant de nombreux développements d’outils logiciels, notamment pour le scan 3D. Des laboratoires développent des applications allant de la capture de mouvement à la reconstitution d’espace. Moteur de ces développements, la société israélienne PrimeSense[1] propose les pilotes et recense les outils les plus innovants adaptés à ces capteurs. Microsoft avait déjà acheté la technologie de PrimeSense pour la Kinect, aujourd’hui, c’est Apple qui fait des annonces d’acquisition.
Pour nous, l’objectif est de tester un dispositif économique, facile à utiliser et capable de se glisser dans les moindres anfractuosités des sites que nous enregistrons. La Kinect de Microsoft[2], et la XTion ASUS[3]ont été testées et comparées, le choix final se portant sur la XTION
Ainsi que cela a déjà été indiqué, la Xtion PRO est un dispositif destiné à la capture de mouvements. Principalement destinée au monde du jeu vidéo, la XTion est très largement utilisée dans le monde de l’art et des sciences comme contrôleur ou interface gestuelle et comme scanner. L’appareil utilise des capteurs infrarouges engageant la technologie de détection de profondeur adaptative, il utilise la reconnaissance d’image en couleur et en relief grâce à une caméra infrarouge, le mouvement et les sons en temps réel.
La XTion et la Kinect ont des caractéristiques proches mais avec cependant des nuances qui ont fait la différence lors du choix final.
Plus légère et moins encombrante, la XTion a l’avantage d’être alimenté par USB, ce qui signifie que l’ensemble ordinateur + capteur peut être complètement nomade, sans avoir besoin d’être raccordé au secteur. La légèreté du capteur, principalement parce qu’il ne possède pas de moteur commandant l’articulation de la tête par rapport au socle, rend les manipulations moins fatigantes dans la longueur.
Le logiciel utilisé pour effectuer les enregistrements est Skanect de la société Manctl (http://skanect.manctl.com/) fondée en 2011 par Nicolas Tisserand et Nicolas Burrus. Le principe du logiciel est d’enregistrer un nombre important d’images en basse définition avec un très fort taux de corrélation.
Dans un premier temps, on détermine le volume général du l’objet à scanner. Dans les versions précédant la version 1, il existait un volume infini, cette option a disparu avec le développement des versions stables du logiciel.
Il faut ensuite mouvoir le capteur capturant ainsi ce qui passe devant les caméras stéréo et infrarouge. La scène se construit directement à l’écran. Il est nécessaire, comme en photogrammétrie classique, de construire un parcours donnant à l’application des points remarquables. Comme en photomodélisation, il faut prendre garde à son ombre portée ou à l’ombre portée de certains objets. Il convient également de préserver une bonne stabilité lumineuse.
L’application « décroche » parfois, contraignant d’arrêter les manipulations. Il est possible de retrouver un point de corrélation, mais généralement, un trop fort taux d’erreurs contamine l’enregistrement.
Le nuage de point doit ensuite être traité. C’est le mode reconstruction.
Selon les capacités de la machine et la qualité de la carte vidéo, il est possible de travailler en GPU, processus rapide impliquant les composants de la carte graphique, ou en CPU, en exploitant la puissance du processeur. Le 2ème est plus lent, si la carte vidéo est récente et de qualité. C’est le mode fusion.
Une fois le maillage construit, il est possible d’effectuer quelques modifications et réparations.
L’exportation des données se fait aux formats PLY, STL, VRML ou OBJ. La version 1 ajoute la possibilité de coder la couleur « Per-Vertex », c’est-à-dire gravée dans la géométrie du modèle ou en texture UV, ce qui signifie qu’un fichier image est produit en plus. L’avantage est que l’on peut ensuite ré intervenir sur le fichier image pour l’enrichir, par exemple, des données d’interprétation.
Plusieurs tests ont été effectués à Gavrinis permettant de comprendre les conditions limites du capteur. Tout d’abord, l’enregistrement ne peut être effectué en journée, en pleine lumière ; la caméra infra-rouge est saturée et aucune information de distance ne peut lui parvenir. En revanche, la faible luminosité à l’intérieur du cairn n’est en rien un obstacle.
Les orthostates de Gavrinis ont été correctement enregistrés avec une précision inférieure ou égale au millimètre. Les passes se sont effectuées rapidement à une distance des surfaces d’environ 1m. Si le nuage parait dense et bien homogène avec 1 372 207 points, un examen plus attentif montre que chaque passe crée des effets de surdensité avec des séries de points très légèrement décollés alors qu’ils devraient suivre les mêmes courbes de surface.
Sur un modèle régulier comme une pièce mécanique ou un mur, le problème serait sans importance, il suffirait de « débruiter » le nuage pour homogénéiser les données, dans le cas des stèles de Gavrinis, l’opération est plus délicate, le grain du granit, la faible profondeur des gravures et la densité des motifs font qu’un post-traitement trop agressif ou trop régulateur viendrait dissoudre les informations que l’on recherche.
Les rectangles plus denses tels qu’ils apparaissent ci-dessus correspondent à la superposition des photos. Mais le logiciel Skanect est très sensible à la moindre variation de lumière. En contraignant la densité du maillage à 1 mm on élimine la plupart des problèmes tout en conservant l’essentiel des informations. Toutefois, les problèmes de superposition les plus importants subsistent.
Il est possible néanmoins de les réduire en supprimant les points excédant une certaine distance moyenne ou en travaillant sur le maillage.
Les logiciels associés à la XTion sont encore des outils jeunes. Des améliorations significatives marquent la version 1.5 actuellement en cours. Néanmoins les limites des capteurs, tant en distance d’enregistrement qu’en précision, ne peuvent hisser ce dispositif à la hauteur des scanner à main pour ce qui concerne le relevé de précision. Toutefois, nous avons remarqué que pour les relevés d’environnement, il y a là une solution particulièrement intéressante.
Selon le type de lieu à enregistrer, quelques recommandations sont à considérer : sculpter l’espace par la lumière donnera de meilleurs résultats, surtout si l’ambiance est particulièrement sombre. Le contraste entre les différentes zones aide le logiciel à reconstruire la géométrie des lieux. Pour les gravures, une lumière contrastée fera apparaitre les creux et reliefs et favorisera une plus grande fidélité entre le modèle et la réalité.
Une autre application réalisée à Gavrinis est la recherche de complément de forme tel que cela a été le cas pour la dalle de couverture. L’enregistrement laser classique avait raté encoche pédogénique ce que nous avons tenté de rattraper avec la Xtion et avec la photomodélisation.
La Xtion a capturé sans problème ce volume. La lumière étant stable, la surface réduite et fortement singularisé, un balayage sans disjonction a capturé l’ensemble des données.
Ref bibliographique : H. Gonzalez-Jorge, B. Riveiro, E. Vazquez-Fernandez, J. Martínez-Sánchez, P. Arias, Metrological evaluation of Microsoft Kinect and Asus Xtion sensors, Measurement 46 (2013) 1800–1806
[1] http://www.primesense.com/