Une archéologie de l’immersion, dispositifs et concepts.
Si l’on associe les dispositifs immersifs à des solutions techniques récentes, c’est peut-être en oubliant que la plupart de solutions proposées l’ont déjà été dès le 18ème siècle avec les panoramas. Le retour vers les solutions anciennes et de leur évolution jusqu’à maintenant nous permet de retracer la généalogie des concepts, des méthodes et des objectifs de ces machines à illusion. C’est aussi un moyen de positionner pour la fabrication des contenus les ferments d’une grammaire narrative de l’immersion et de mesurer les enjeux de cohérence entre les dispositifs et les contenus proposés.
Dans le cadre du Festival Premiers Plans à Angers, nous avons proposé de réaliser le décor pour un tournage à 360° du premier épisode de la web-série « Dans la Lune » écrite par Marc Caro. Il s’est agi dans un premier temps de faire une maquette numérique immersive, puis de réaliser une maquette physique pour préparer le tournage et enfin de réaliser l’objet à l’échelle 1.
Les étudiants ont ensuite conçu un environnement global, ce qui comprend, la conception du décor proprement dit, l’accessoirisation, les lumières et les découvertes.
Très grand défi cette année dans la production des films, puisqu’il s’est agit de concevoir pour le format géant du Naexus. Chaque image fait 4096 x 768 pixels, soit en largeur, le double de la HD !
Le thème proposé est celui de Nantes 2030, l’avenir de notre cité, sans passer par les chemins convenus de la prolongation des courbes factuelles actuelles. Quel avenir pour la ville si un évènement improbable se présentait, quelles questions actuelles entrent en résonnance lorsque se dessine un futur jugé improbable ?
La composition pour le Naexus impose un nombre important de contraintes. Les proportions de l’écran 5:1, obligent à réfléchir sur une dominante horizontale rendant complexe l’expression de verticalité. Le repliement de l’écran autour du spectateur oblige à choisir entre une vision centralisée, focalisée et une vision panoramique. Par incidence, cela détermine le choix du type de perspective retenu. La hauteur de la ligne d’horizon jouera également sur la perception de l’ensemble.
La composition de l’image pose la question du choix de la focale, de la construction d’une perspective à quatre ou davantage points de perspective ou de la négation de la perspective en privilégiant une approche multi plans. Ces choix se font en fonction de la captation du regard du spectateur, vers un point unique ou vers diverses localisations dans l’image.
Il est à noter que la taille réelle, physique de l’image étant déterminée, (2m x 12 m), que la position du spectateur est connue et que la résolution de l’image est donnée, le dessin des éléments visuel doit être adapté à cet ensemble de paramètres. Habituellement, un film, basé sur une résolution connue, s’adapte et se lit sur des supports divers, allant du téléphone à la salle de cinéma en passant par l’ordinateur et le téléviseur. Ici, le contenu est directement adapté à la toile support.
Le son 3D aide au repérage spatial. Le son peut diriger le regard, créer des points de convergence action/audition qui ne sont pas forcément fixes dans l’image. Le son 3D offre un hors champs sonore se déployant non seulement dans un cylindre autour du spectateur, mais également dans la profondeur, en avant et en arrière de la surface de projection. La sensation sonore donne littéralement du relief à l’image en situant spatialement les sources impliquées dans la narration.
Les films réalisés en 2012 proposent chacun des solutions singulières pour adopter les contraintes du format comme éléments créatifs.
Le village de Lavau, figuré par une ferme occupée par un couple âgé, se trouve peu à peu atteint par la croissance de la métropole Nantes / Saint Nazaire. L’image se développe comme un large panorama où le paysage se déploie selon la technique du collage. Les actions se déroulent en vis-à-vis, régulières et implacables pour l’avancement de la ville, séquentielles et diverses pour le couple de fermiers.
La hausse du niveau des océans a pour conséquence de noyer le centre ville de Nantes. Un artiste de rue, isolé sur la fontaine de la place royale recrée de la cohésion urbaine et humaine. L’image se présente comme une scène de théâtre, le point de vue est fixe, l’action se déroule autour du spectateur témoin privilégié de l’action en cours.
Une visite virtuelle de la tour de Bretagne transformée en ferme verticale est proposée afin de découvrir les diverses transformations de la nourriture, de la bête sur pied aux étalages de vente. Mise en abime spectaculaire, le film assume un point de vue subjectif à la troisième personne. La caméra se déplace avec le visiteur, utilisant soit la cinétique du visiteur, soit celle des dispositifs du bâtiment.
La ville de Nantes s’habille de décors entièrement virtuels offrant des paysages exotiques superposés à la structure existante de la ville. La recherche de la distinction entre le réel et le virtuel déclenchera le dérèglement du système. Ce film se présente formellement dans les canons du cinéma classique, avec alternance, de plans généraux, de gros plans, de plans d’insert, etc.. Le rythme de montage est assez lent, laissant au spectateur le loisir de découvrir l’ensemble de l’action sur la largeur de l’écran.
La Petite Hollande
Nayara Sampaio Gomes, François Barcelo-Chatelier, Coralie Dumont, Herbert Marchessou
Une course de vélos est organisée dans une ville débarrassée des voitures. Chaque étape donne l’occasion de comparer la situation contemporaine et celle de Nantes en 2030. La composition alterne les plans subjectifs, les longs développés et les panoramas animés. L’images est rehaussée de cartes, graphiques et schémas venant renseigner l’action en cours.
Underground
Charlotte Savoie, Nicoletta Leone, Lionel Kergot
De retour sur terre, des spationautes découvrent une terre où l’eau a disparu et où les habitants ont récré une organisation souterraine. L’enjeu de la survie de l’humanité repose sur la capacité d’exploiter des graines pouvant nourrir la population restante. La forme de la bande annonce permet de créer un montage dynamique alternant des images très fortes. La forme est résolument celle du film classique, exploitant pleinement la largeur de l’écran panoramique sans chercher toutefois jouer sur le rapport spatial de l’écran cylindrique.
Travail encadré par Laurent Lescop et Bruno Suner (ensan) avec Daniel Siret (cerma), Marc Grandsard (cinécréatis), Xavier Bendel (cedreo), Jean-Manuel Esnault (france3) et Marc Regnault (ruz productions).
La production se fait en partenariat avec la HochShule Anhalt Dessau, Manfred Sundermann, Claus Dießenbacher, Micheal Walter.